Les actus de Made in Midi

 

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La 1ère fois que je suis venu à Horta, en 1982, il y avait déjà un espagnol à bord….

Publiée le : 7 avril 2019

Pedro

2009. Nous venions de remporter la 2ème étape de l’Istanbul Europa Race, course en équipage. Nous nous retrouvions 3 IMOCA à égalité de points au classement général avant la 3ème et dernière étape, donc décisive. Il s’agissait de Foncia de Michel Desjoyaux, Estrella Dam de Guillermo Altadil et notre Groupe Bel.

Il faisait chaud en septembre sur le port de Barcelone.

Un matin, un groupe de VIP visitait les bateaux amarrés en bas des Ramblas. Parmi eux, un président d’un yacht club des environs. Immédiatement, cela me remémore une traversée de l’Atlantique et je me mets à leur raconter ma rencontre avec un autre président de club, celui de Sitges, quelques 27 ans plus tôt…

C’était donc en 1982, après un hiver passé aux Antilles, il fallait ramener Rackham le Rouge en Méditerranée pour la saison d’été. L’équipage, qui avait été formé tardivement, était composé de mon frère Eric, d’un gros monsieur dont j’ai oublié le nom et qui avait fait l’essentiel du voyage à l’intérieur du bateau car son embonpoint dépassait largement la taille de la descente et du fameux président espagnol qui répondait au nom de Pedro. La veille du départ de Deshayes en Guadeloupe, j’avais eu un cas de conscience et du refuser l’embarquement d’un 5eme équipier, lui aussi envoyé par une école de croisière avec laquelle j’étais en partenariat, mais qui n’avait pas jugé utile de me prévenir qu’il était handicapé des deux jambes et ne pouvait se déplacer qu’en chaise roulante...

Le type, très sympa, était sans doute capable de traverser l’Atlantique mais je n’étais pas préparé à une telle expérience et j’avais préféré, la mort dans l’âme, le laisser à terre.

Le voyage avait mal commencé avec une cadène qui accusait des signes de faiblesses et il avait fallu faire une brève escale à St Barth pour ressouder la pièce.

St Barth, à cette époque était une petite ile tranquille, sans une voiture et seulement quelques motos.

Je me souviens avoir fait du stop pour trouver un gars capable de réparer notre avarie.

Le seul bar de Gustavia était tenu par un rasta black qui était par ailleurs ambassadeur de Suède…

Une fois repartis, la météo n’avait pas été tendre avec nous et nous avions affronté plusieurs dépressions assez creuses et la traversée n’avait pas été de tout repos. Au point qu’une nuit, alors que Pedro était de quart et que je tentais de me reposer dans le chaos causé par le passage d’un front, je le vis arriver dans le carré, dégoulinant d’eau de mer, en s’écriant avec son accent ibère : « ma, c’est trop dour, yé vé mé couché, yé souis trop vieux pour prendre toutes les tempêtes de l’Atlantique sour la Cabeza!!! »

Il avait quitté son poste de barre, et laissé le ketch se débrouiller tout seul dans la mer en furie… Je renfilais donc mon ciré et reprenais la barre jusqu’à ce que le temps se calme, ce qui n’arriva pas immédiatement….

Après quelques jours de mutisme total, Pedro avait fini par retrouver le sourire en apercevant les vertes pentes volcaniques de Faial ainsi que la parole, en s’écriant en les montrant du doigt : « Vacas !!! »

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Nous l’avions débarqué à Gibraltar, mission accomplie. Il avait traversé l’atlantique et pouvait enfin accomplir sereinement son rôle de président et affronter le seul membre de son club qui avait, lui aussi, traversé un océan à la voile.

Je terminai donc de raconter cette anecdote à mon petit groupe d’auditeurs Catalans puis m’installai au PC course pour lire mon courrier électronique et récupérer quelques informations météorologiques pour la prochaine étape. Je n’étais pas assis depuis plus de 5 minutes qu’une main fragile se posa sur mon épaule et qu’une voix tremblotante s’élève dans mon dos : « eh Kito, tou té souviens dé moi ? »

Incroyable, le vieux monsieur qui se trouvait derrière moi était Pedro. Il m’avait retrouvé, quelques instants à peine après que je me souvienne de son existence et sans que personne n’intervienne sur le déroulé de ce petit hasard de la vie !!!

 

Extrait de « Le plus grand navigateur de tout l’étang ! »

 

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Le phare marquait la côte avant l’eruption volcanique qui a produit entre 1957 et 1958 les trois pointes que vous voyez un peu en arrière et à gauche du phare sur les photos.
Tout est encore recouvert d’une espèce de poussière de pierre fine grisâtre, c’est beau et assez lunaire, étonnant après la dose de vert qu’on s’est prise toute la journée !